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FRANÇOIS XAVIER ET LES MISSIONNAIRES XAVÉRIENNES

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14 Décembre 2012

1. Xavériennes Missionnaires de Marie

Mgr. Guide Marie Conforti avait songé de fonder la branche féminine de son Institut, qui lui paraissait « presque indispensable»[1] pour répondre aux besoins de la mission.

Il en avait même écrit en 1926 à un responsable de la Congrégation de Propaganda Fide, en lui demandant un avis et il en reçut un encouragement. Mais en 1931, le Fondateur des Missionnaires Xavériens mourut et son projet resta non réalisé.

Le temps passa et d’autres soucis occupaient ses Fils, mais peut-être Mgr. Conforti du ciel encouragea-t-il invisiblement le projet. C’était l’an 1942 et les Xavériens étaient en train de réunir les écrits de leur Fondateur. Ainsi retrouvèrent-ils le brouillon de sa lettre à Propaganda Fide et comme par hasard le Vicaire général dit au père Jacques Spagnolo, qui n’avait que trente ans : « Pourquoi ne suggérez-vous pas à cette demoiselle de fonder nos sœurs ? ». Ils se référait à une demoiselle qui avait manifesté le désir de fonder une congrégation religieuse. Le père Jacques laissa tomber la phrase, mais quelque chose à l’intérieur de lui la ramena à la surface et il commença à y penser, en se demandant si vraiment le Seigneur lui demandait cela. La demoiselle, informé du projet de Mgr. Conforti, d’abord accepta et ensuite refusa.

Au p. Jacques fut demandé d’entreprendre, à Bologne, les études d’ingénierie. De temps en temps, dans la prière, le projet lui revenait à l’esprit. Il consulta l’évêque auxiliaire de la ville et un père jésuite, qui l’encouragèrent. Entre temps, la deuxième guerre mondiale battait son plein.

Une personne vient soudain à l’esprit du p. Jacques : Célestine Bottego, la demoiselle qui donnait des cours d’anglais à la Théologie des Missionnaires Xavériens à Parme. Le 2 juillet 1943, un confrère, et ensuit lui-même, lui firent la proposition de s’occuper de la fondation des Missionnaires Xavériennes.

La demoiselle, qui était consacrée dans le monde et bien engagée et qui avait à l’époque 48 ans, répondit qu’elle pouvait donner des moyens, mais qu’elle ne se sentait pas à la mesure d’organiser l’œuvre. Au lieu d’insister, le p. Jacques se confia à la prière, laissant agir le Seigneur. En effet Célestine à partir de ce jour perdit sa tranquillité ; elle se demandait si sa réponse correspondait à la volonté de Dieu sur elle, ou bien si elle s’était laissée conduire par l’attachement à une vie confortable.

Arriva la semaine sainte de l’an 1944. Le père Jacques, recteur de la Théologie, lui envoya une carte, où était représenté Jésus crucifié. Derrière, il n’écrivit qu’un mot : « Tout », suivi de sa signature. Ce fut la dernière goutte qui fit répandre le verre. Célestine comprit d’une manière nouvelle jusqu’à quel point était allé l’amour de Jésus pour elle et sa résistance tomba. Elle aussi devait répondre avec le désir de tout donner ! La retraite des Théologiens, prêchée par le p. Jacques, dans le village où ils s’étaient déplacés à cause des bombardements et à laquelle elle aussi put participer, acheva sa décision. Le 24 mai 1944, elle la manifesta au p. Jacques, qui écrivit dans son journal : « Aujourd’hui la Société a trouvé sa Fondatrice, qui dit au Seigneur son ‘fiat’ ».

L’année suivante, le 19 juillet, arriva la première fille, Thérèse, sœur d’un Père Xavérien. La maison de Célestine devint, et demeure jusqu’à maintenant, la Maison-mère de la nouvelle Congrégation. Conscient de réaliser le rêve de son Fondateur, le p. Jacques appela la Congrégation des Missionnaires Xavériennes « Société Missionnaire de Marie ». Le 27 septembre 1951, le V Chapitre général des Missionnaires Xavériens la reconnut comme branche féminine de la Société Xavérienne pour les Missions Etrangères. Erigée en Congrégation religieuse de droit diocésain en 1955, elle devint de droit pontifical en 1964. Le p. Jacques mourut en 1978, deux ans avant la mère Célestine. La Congrégation compte aujourd’hui environ 240 membres et, outre qu’en Europe, est présente en Amérique, Afrique et Asie. Dix sont les professes congolaises, dont trois au Brésil, deux au Tchad, deux en Italie et trois au Congo..

2. François Xavier dans les écrits du p. Jacques Spagnolo

S’agissant de femmes, ce fut normal pour nous fondateurs de nous présenter d’abord le modèle de Marie, en particulier dans le mystère de la Visitation, quand elle, habitée et poussée par la présence de Jésus, se rendit en hâte vers sa cousine Elisabeth. Toutefois le témoignage de François Xavier fut aussi présenté, son exemple était aussi chanté dans un hymne qui faisait partie du patrimoine commun des Xavériens et des Xavériennes. Personne comme lui n’avait incarné l’ardeur missionnaire, en donnant la vie jusqu’au bout pour l’annonce de l’Evangile à ceux qui ne le connaissaient pas encore. Le seul but de la Congrégation était justement l’évangélisation des hommes et des femmes non encore atteints par l’annonce du Christ : au delà des frontières, pour toute la vie et de toutes ses forces.

Nos fondateurs ne nous ont pas laissé des écrits systématiques expliquant en détail les différents éléments de charisme. Nous n’avons d’eux que des lettres écrites à toutes les sœurs et des lettres individuelles. Ainsi, il n’est pas étonnant de constater que certains éléments, pourtant importants, n’y trouvent pas beaucoup de place. Ils faisaient partie de l’enseignement ordinaire des fondateurs. L’un de ces éléments est la figure de St. François Xavier.

Le p. Jacques en parle en un manuscrit, adressé à Célestine Bottego, du février 1945, avant donc le commencement de la Congrégation :

«Adorer, c’est le premier devoir qui nous lie à Dieu notre Père […] c’est l’expression de notre foi, espérance, charité […]. Comme le Ciel dépasse la terre et l’éternité dépasse le temps, ainsi la vraie charité dépasse l’amour naturel. Qui pourra donc redire le bonheur d’une âme qui s’abandonne à la charité sans limites ? Il n’y a pas à s’étonner si sous son influence les Saints sont parvenus à l’invraisemblable, au paradoxal et à ce que nous jugeons folie. Combien de fois leur pauvre nature, torturée par le trop de joie qui en dépassait la possibilité, s’est laissé échapper le cri du Xavier : « Assez, Seigneur ! ». Et lorsque cet « assez » par le vouloir de Dieu en réalité n’arriva pas, ils se sont vus sortir d’eux-mêmes, devenir légers, voler et franchir la frontière des plus rigoureuses lois de la création. Face à cette vision, que sont les difficultés que nous appelons « les croix de la vie » ? Des petits cailloux contre le débordement impétueux du bonheur venant de Dieu.»[2]

En effet, sans la contemplation il serait impossible à un être humain de traverser sans se décourager tant d’épreuves comme François Xavier a fait. Toute grande œuvre visible, tout héroïsme à la suite du Christ vient d’une forte contemplation de lui, et en lui, par l’Esprit, du Père. Seulement celui qui goûte au bonheur venant d’Eux peut être à la mesure de tenir, face aux aspérités de la vie, demeurant dans le calme et dans une joie inébranlable. Ce fut aussi l’expérience, bien que beaucoup moins éclatante, du père Jacques Spagnolo et de la mère Célestine Bottego.

Une lettre écrite par le père Jacques à toutes les Sœurs au jour anniversaire de la mort de François Xavier, le 3 décembre 1969, parle encore de lui:

«La journée d’aujourd’hui me rappelle St. François Xavier, qui même dans l’apostolat dynamique réalisé dans les grandes difficultés de ce temps-là, demandait des nouvelles détaillées sur les Confrères d’Europe, les noms des nouveaux, les informations sur le développement et la propagation de la Compagnie. Il éprouvait une intense affection pour tous et avait un haut sens de la famille religieuse, In cela je désire que nous l’imitions aujourd’hui, demain et toujours, aussi bien dans l’esprit que dans l’usage des moyens concrets »[3].

Le p. Spagnolo comprenait que le vrai défi de la vie missionnaire n’est pas qu’un véritable élan apostolique, mais aussi la capacité de donner le témoignage fondamental : la vie fraternelle, selon l’enseignement de Jésus : « A ceci tous reconnaîtront que vous étés mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13,35). François, l’apôtre qui avait l’hardiesse de Paul, aimait profondément la Compagnie et ses confrères, aussi bien en s’intéressant d’eux qu’en étant exigeant vis-à-vis du choix de dévouement à l’Evangile qu’ils avaient fait.

3. Trace de l’esprit de François dans la Congrégation

Le fidèle Antoine écrira, en décrivant la mort de François : « … Jeudi vers midi, il reprit ses sens, mais ne parla que pour invoquer la Sainte Trinité, Père, Fils et Saint Esprit, l’une de ses plus tendres dévotions ». A la source de son apostolat, il n’y avait pas qu’un élan humain, mais la contemplation de Dieu et de son dessein sur le monde. Travailler pour « la plus grande gloire de Dieu » était l’objectif d’Ignace et de ses compagnons. Le p. Jacques aussi nous a expliqué la mission à partir de Dieu et de son dessein. La Toute-puissance miséricordieuse de Dieu ne cesse de nous bénéficier avec un amour gratuit, en nous créant, en nous secourant de multiples manières, en faisant de nous ses enfants, en nous appelant à chanter éternellement sa gloire.

En juin 1960, le p. Jacques nous écrivait :

«Qu’il soit béni notre grand Dieu, qui nous a élus depuis l’éternité à participer sur terre à une famille qui reçoit son impulsion spirituelle de l’adoration, l’exaltation et la prédication de la Toute-puissance miséricordieuse. […]. C’est de ces perfections divines que l’apostolat jaillit : de la Toute-puissance, parce que la génération des enfants de Dieu est une œuvre plus grande que la création de l’univers ; de la Miséricorde parce que le Seigneur en cette génération agit sur les pécheurs, se sert d’instruments indignes, fait tout pour conduire à la récompense celui qui mériterait le châtiment. Seule la Toute-puissance peut accomplir de telles œuvres ; seule la miséricorde peut pousser la Toute-puissance à inclure dans ses plans des êtres si misérables. Nous sommes appelés à faire partie de ce dessein divin, nous sommes inclus en cette atmosphère de puissance et de bonté. Comment ne pas nous laisser saisir par un saint enthousiasme, pour nus laisser complètement assimiler dans l’œuvre de Dieu ? […] Nous aussi avec Lui nous voulons agir là et dans la manière où notre coopération est demandée, petits et indignes, mais si désirés et désireux instruments de sa Toute-puissance ; nous aussi nous voulons diffuser la Miséricorde afin que tous puissent avec nous et par nous puiser aux dons gratuits de Dieu, surtout aux plus grands, ceux qui atteignent l’infini et l’éternel»[4].

Ainsi «être missionnaires signifie être complètement disponibles, avec, par et en Christ, à l’action de la Toute-puissance miséricordieuse de Dieu pour la génération des enfants de Dieu»[5]. La gloire de Dieu est le but même de la fondation de la Congrégation. Le soir du 2 juillet 1950, jour où la mère Célestine et les autres trois premières sœurs firent leur première profession, il écrivit dans son journal un message pour toutes ses filles présentes et futures :

«Rappelez-vous : à vous qui, toutes, êtes consacrées à la Mère de Miséricorde et à l’Amour Miséricordieux infini, moi, au nom de Dieu, je laisse la mission d’être dans les siècles, à tout instant, une victime de louange de gloire à la Miséricorde divine, pour tout ce qu’elle a réalisé et constamment réalise, et plus encore réalisera pour le bien et la sanctification de nous et de toute l’humanité de tous les temps.»

De la contemplation de Dieu, jaillissait le zèle apostolique de François. Cette contemplation de Dieu fonde, aussi pour le p. Jacques et pour la mère Célestine, le but unique de la Congrégation ; d’elle doit prend l’essor un élan pour la mission qu’on voudrait total, avec la capacité d’oser. « Tous les moyens et toutes les forces pour la mission » est le mot d’ordre de la Congrégation. La vie religieuse fait partie d’une manière naturelle de ce choix de tout donner. La manière de la vivre, dans la souplesse pour ce qui concerne les structures, dans un habit laïc, a le sens de vouloir en tout nous plier aux exigences de la mission et de vouloir favoriser une rencontre fraternelle avec tous.

Pour nous, même si dans nos pays d’origine il y a encore besoin d’annonce, il est important de franchir les confins de notre terre et de notre culture pour vive l’expérience de l’universalité de la famille de Dieu que nous sommes appelées à promouvoir.

L’engagement pour la personne toute entière, pour un Règne qui s’il n’est pas de ce monde, demande néanmoins de commencer en ce monde au moins comme signe, poussa François vers les plus malades et pauvres, s’exprima dans son engagement pour la justice, par sa parole franche. Nous aussi nous tâchons de ne jamais oublier cet impératif qui découle de la foi en l’incarnation du Fils de Dieu et des exigences de l’amour.

La souplesse dans les structures concerne aussi la vie fraternelle, combien importante et combien soulignée par nos fondateurs. Vivre en sœurs, s’aimer, s’entraider, se soutenir mutuellement et en même temps être ensemble une communauté apostolique, fondée sur les valeurs plus que sur une rigide structure de vie commune.

L’amour pour l’église , typique de François et de la Compagnie, nous fut constamment appris par nos Fondateurs. La Mère nous invitait à être une note dans le concert de l’Eglise. Ils accueillirent avec gratitude les nouveautés du Concile et nous exhortèrent à marcher toujours avec l’Eglise.

Différences

La différence est, sans aucun doute, dans la pratique, car saint François Xavier demeure pour nous un modèle qui nous dépasse, de même que Paul. Leur ardeur, la capacité de surmonter toute difficulté, leur pauvreté, leur endurance dans les fatigues, leur disponibilité à mourir à cause de leur mission est devant nous comme un idéal et une nostalgie.

Bien sûr, la différence se situe aussi à niveau de modalité de réaliser la mission. Les situations ont changé, l’Esprit a conduit l’Eglise à mieux comprendre certaines vérités. Ainsi, le Concile devait libérer les missionnaires de l’anxiété de vite baptiser pour que les gens soient sauvés. Nous savons que quiconque cherche Dieu et s’efforce de pratiquer la justice, telle qu’il la comprend, est sauvé par le Christ, même s’il ne le connaît pas encore. Cette importante acquisition n’éteint pas l’ardeur, mais contribue à mettre davantage en évidence l’aspect positif de l’annonce de l’Evangile.

Encore, l’expérience de ces siècles est en train de nous apprendre petit à petit, la valeur des cultures et même des religions. L’Eglise demande aujourd’hui aux missionnaires l’effort de bien connaître langue, cultures, religions du peuple auxquelles ils sont envoyés. Et comme le dit le Pape Jean Paul II dans l’encyclique Novo Millennio Ineunte, nous avons aussi pas mal à apprendre d’eux.

L’utilisation de la structure coloniale pour faire parvenir à des nouveaux peuples la bonne Nouvelle peut nous laisser perplexes ; mais François allait au delà de tous ces comptes, il se servit de tout pourvu d’annoncer l’Evangile et jamais pour vivre dans la commodité et il ne craignit pas de critiquer ouvertement les injustices commises par les portugais, jusqu’en écrire à plusieurs reprises au Roi.

D’ailleurs, il serait naïf de penser qu’aujourd’hui la question ne se pose plus. La globalisation nous révèle les liens existant entre les choix des humains, et les puissances économiques sont tellement ramifiées, que personne ne peut se vanter comme quoi il a les mains propres.

L’effort de justice donc, pour chacun de nous, doit d’abord nous faire comprendre nos complicités avec des systèmes injustes et nous mettre en chemin de conversion.


 

[1] Lettre de Mgr. Conforti à Propaganda Fide du 02.07.1926.

[2]La dimora dei figli di Dio, livre inédit du p. Jacques Spagnolo; on a la copie dactylographiée de ce que le père a à plusieurs reprises envoyé à la Mère Célestine Bottego.

[3]Lettres à toutes les Sœurs, Parme 1979, n. 44, 365s.

[4]Lettres à toutes les Sœurs, o.c., n. 5, p. 23s.

[5] o.c. n. 54, p. 497.

Teresina Caffi

Teresina Caffi, nata a Pradalunga (Bergamo) nel 1950, è entrata fra le Missionarie di Maria, Saveriane, nel 1971 e ha fatto la sua prima professione nel 1974. Nel 1982 è partita per il Burundi. Da lì, nel 1984 è passata nell'allora Zaire (oggi Repubblica Democratica del Congo). Licenziata in Teologia biblica, ha lavorato nell'ambito dell'animazione parrocchiale e dell'insegnamento biblico. In questi anni vive sei mesi l'anno in una comunità nella Repubblica Democratica del Congo.