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Pour une église et un peuple debout

Elza Brogeato mmx
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15 Décembre 2018

Que signifie aujourd’hui être missionnaire? Nous avons posé cette question à Elza Brogeato, missionnaire xavérienne brésilienne. Après treize ans au Tchad, Elza a travaillé neuf ans au Brésil et il y a six ans qu’elle est rentrée au Tchad où elle fait le service de déléguée pour les trois communautés xavériennes du Tchad et Cameroun.

Que veut dire la “prise en charge” dont on entend parler souvent dans vôtres mission?

La « prise en charge » est une préoccupation majeure de l’Eglise au Cameroun et au Tchad. Ça signifie aider les personnes à se prendre en main, à considérer  que ce sont eux l’Eglise. C’est une prise de conscience de l’Eglise qui touche aussi l’aspect économique. Par exemple, pour organiser une session de formation, la paroisse  prend de l’offrande du dimanche : légumes, arachides…les participants à la formation apportent le nécessaire avec leur propre force ou avec un support extérieur très minime.

La prise en charge implique aussi la responsabilité : aider la communauté chrétienne à être protagoniste de la catéchèse, de la pastorale des malades, des pauvres… Notre tâche est de les mettre sur la route, les accompagner.

Vous ne donnez plus des aides matérielles?DSCN0316.JPG

Nous cherchons de travailler en collaboration avec la paroisse et d’intervenir seulement face aux nécessités que les gens et la paroisse n’arrivent pas à affronter. Par exemple, comme communauté de Berem, nous avons pris la décision d’orienter les malades vers le dispensaire de l’État qui est tout proche, où nous allons nous-mêmes nous faire soigner. Dans le cas des malades très pauvres, nous payons les frais. Les soins pour la morsure du serpent sont très chers. Alors la famille contribue  comme elle peut, en vendant une chèvre ou une poule, et nous nous complétons le reste. De même pour la scolarisation. Nous intervenons dans les situations de grande pauvreté pour que les enfants puissent aller à l’école. Ce n’est pas question d’aide généralisée.

Nous cherchons à éviter ces formes de piétisme et de maternalisme qui ne font pas grandir. Ce n’est pas toujours facile, et aussi entre nous, il y a divergence de sensibilités. Cette orientation, en fait, nous vient de l’évêque  qui ne cesse de répéter dans chaque lettre pastorale. Susciter la charité active de tous est une chose essentielle parce qu’elle est la dimension fondamentale de la vie chrétienne.

Que signifie être missionnaire aujourd’hui au Tchad-Cameroun

Cela signifie d’abord prendre soins des relations entre nous : que les gens puissent voir que nous nous aimons dans notre diversité des nationalités et des caractères. En outre, les gens doivent percevoir  en nous des femmes de Dieu, avec un profond attachement à Dieu, comme quand ils reconnaissent un musulman comme un adorateur d’Allah.

Etre missionnaire c'est vivre la proximité avec les gens : les visiter, les écouter, parler un peu de tout et de rien, de la pluie qui tarde à tomber, de la récolte, du marché, aussi de l’église, de Dieu qui nous encourage en toute circonstance… Cela signifie s’asseoir avec eux sur les troncs d’arbre, manger la nourriture qu’ils nous offrent, le plus souvent dans la même assiette et posée par terre. Aller leur rendre visite pour voir le dernier né, savoir comment va un malade, partager un deuil ou une fête. Une fois que les gens se rendent compte qu’on est avec eux de tout cœur, ils reconnaissent en toi une femme de Dieu. Cette sortie vers les gens n’est pas toujours facile sous un climat assez chaud.

 Quelles sont les autres activités que vous faites en plus de cela?

A cela s’ajoute d’autres activités comme la bibliothèque où, à part les livres, on propose aussi des films-débats ; la formation des catéchistes, l’animation des enfants, l’accompagnement de jeunes couples. Les sœurs sont présentes dans tous les domaines comme accompagnatrices, pendant que la responsabilité est aux animateurs locaux. A Koumi, Graça aide les femmes à organiser leur petit commerce pour tirer profit de leur fatigue. Ça aussi aide pour la « prise en charge ».

 Comment les gens accueillent-ils ce style de mission ?DSCN0292.JPG

Des fois il y a des résistances. Certains préféreraient recevoir passivement comme autrefois. Ceux-ci surtout sont les personnes qui sont plus en contact avec les prêtres et les sœurs. Il y a même qui dit : « je vais aller dans une autre église où il y a des aides ». Nous ne devons pas nous courber devant le chantage, afin de porter la vérité de l’Evangile, Parole sérieuse, exigeante qui demande un changement de mentalité et de comportement. Aider les gens à se prendre en main dans la joie, la paix et la sérénité profonde parce qu’on ne peut pas utiliser l’autre pour satisfaire ses propres besoins, mais on respecte sa dignité comme un être créé à l’image et ressemblance de Dieu. C’est une grande joie de voir quelqu’un à mesure de faire ces pas, il y a en lui le germe qu’on doit seulement réveiller.

Qu’est-ce qui vous donne joie?

Quand je suis rentrée au Tchad, après neuf ans d’absence, j’ai trouvé que la mortalité enfantine est diminuée. A mon arrivée, est venu à ma rencontre un homme dont j’avais oublié le visage et me remercia en disant : « Ma fille qui participait au cours de l’alphabétisation que tu animais, elle est en train de finir l’université à Ndjamena ». C’était pour moi un très beau cadeau. Petit à petit, les gens apprécient un style de présence qui ne se fie pas sur les moyens matériels. Beaucoup de personnes ont expérimenté la fierté de réaliser des initiatives personnelles ou communaitaires avec ses propres forces ou une aide extérieure minime. 

Quel lien a tout ceci avec l’annonce de l’évangile?

C’est une façon d’incarner l’Evangile. Jésus est venu pour que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance. Le message que nous voudrions transmettre avec notre vie est que Dieu les aime, nous les aimons et nous restons avec eux. Nous voudrions qu’ils fassent l’expérience de l’amour et de la présence de Dieu. Dieu passe à travers nous, nationalités et couleurs différentes. L’expérience de l’amour de Dieu est l’unique chose qui demeure, tout le reste passe. Notre condition de virginité nous met à coté des femmes marginalisées et quelquefois accusées de sorcellerie pour le simple fait de n’avoir pas eu d’enfants. De toute manière, nous percevons un grand respect envers nous et chez les musulmans, la stupeur.

Dans ces trente ans de présence au Cameroun-Tchad, quel changement avez-vous vu au sein de l’église?

Nous avons vu l’église grandir. Trente ans avant, quand je suis arrivée, les catéchumènes étaient des personnes âgées et on les comptait à bout des doigts. Maintenant dans les paroisses il y a trois cents - quatre cents jeunes et adolescents qui se préparent au Baptême. C’est donc important la formation des catéchistes, bien que ce ne soit pas facile, parce qu’ils travaillent sans être rémunérés. 

Vaut-il encore la peine de quitter son propre pays au nom de l’Evangile?Elza e sua madre.JPG

Je considère la mission comme un privilège que Dieu m’a donné. Elle est la force de Dieu qui m’a conduite là, qui m’a aidée à m’incarner, cherchant à être avec les gens, vivant avec eux jour pour jour. Ça vaut encore la peine de franchir les frontières de son propre pays. Les premiers missionnaires  sont partis bien qu’en Europe il y avait encore beaucoup de problèmes et guerres. Ce n’est pas que nous les résolvons en restant, si le Seigneur nous appelle ailleurs. Mon désir est de pouvoir encore continuer avec simplicité notre présence dans ces pays. Nous sommes peux nombreuses, l’âge avance, on n’a pas assez de forces… mais ces lieux sont de la première annonce.

Ultima foto: Elza in Brasile con la sua mamma