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Je suis Patrick, handicapé moteur

Patrick Talom
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19 Mai 2018

Patrick Talom est un jeune camerounais ; un accident routier a bouleversé ses projets, mais non sa foi. Il raconte ici son histoire.

Je suis Patrick Talom, handicapé moteur, aujourd’hui, par le miracle de providence, étudiant à l’Université Catholique de Lille, en France.

Je vis seul dans une résidence universitaire. Je désire me former pour devenir plus autonome et former à mon tour d'autres personnes pour mieux écouter, accompagner et soutenir des personnes souffrantes ou handicapées. Je me forme pour connaître la Parole. 

Ma vie a basculé un 31 août 2005 à Bafang, au Cameroun. Je me suis retrouvé au fond d'un ravin après un accident de la route qui jusqu'à ce jour me maintient paralysé, obligé à un lit ou à un fauteuil roulant. Je suis paralysé à vie. J’ai une double incontinence avec une sonde en permanence cachée sous mon pantalon. J’ai dû mal à rester des longues heures assis. Une situation très dure psychologiquement, physiquement, spirituellement et aussi matériellement. Au moment de mon accident, cela faisait à peine un mois que j'avais passé mon Baccalauréat et quelques semaines à peine que j'étais admis à l'école de la foi dans le Diocèse de Coutances, en vue d'un discernement pour une pleine consécration au Seigneur. J’étais très engagé dans les activités de la pastorale diocésaines des jeunes de mon diocèse au Cameroun. 

Ma famille et moi avons décidés de faire le choix de pardonner au chauffeur qui m’a paralysé à vie. Le pardon a été le premier geste à l’individuel et collectif après mon accident. Pardonner pour aimer, pardonner pour se libérer, aimer pour avancer avec sérénité. Pardonner ne me redonnait pas des pieds mais pardonner est un chemin de guérison intérieur très important. Je ne pouvais pas prier en disant : « Notre Père qui es au cieux…Pardonne-moi mes offenses comme je pardonne aussi à ceux qui m'ont offensé… » sans avoir pardonné à ce chauffeur. Refuser de pardonner serait doublement me paralyser. 

Quand hier on servait et qu'aujourd'hui on se retrouve servi car dépendant désormais des autres pour se laver, pour se vêtir et pour se nourrir, la vie a-t-elle encore un sens ? J’ai demandé à Dieu : « Seigneur, est-ce ma nouvelle vocation ? M'appelles-tu vers un sentier de douleur ? ».

La vocation n'est pas faire des choses pour plaire aux hommes ou pour impressionner Dieu mais être là où Dieu voudrait qu'on soit et y accomplir sa volonté. Mais comment peut-on se sentir appelé à quelque chose quand on souffre ? Je sais que Dieu ne nous laisse pas entrer en tentation, cependant la souffrance et les épreuves exposent à la tentation de ne plus croire, de désespérer, de baisser les bras. Aussi je viens aux pieds de la croix du Christ remettre mes douleurs, car Dieu n'est pas distrait et en les Saintes Écritures je veux puiser ma force et mon espérance de chaque jour.

Il fallait aller chercher très loin l'énergie suffisante pour avancer. Et Dieu, lui, m'a accordé cette grâce. La grâce est d’abord la première chose que je dois citer dans cette force de vivre : la grâce de sourire malgré les douleurs, d'accepter une situation qui, vue de l'extérieur, est un drame, difficile à accepter. De l'intérieur, je l'avoue, ce n'est point facile. Mais « si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8,31). Tout ne vient pas forcement de Dieu mais il permet parfois des événements qui, aussi douloureux que soient-ils, nous unissent à sa sainte Passion, soit pour affermir notre foi, soit pour édifier des personnes autour de nous. 

Aussi pour garder cette grâce, les Saintes Ecritures sont restées, une fois de plus, ma lumière.

David m'a appris le courage pour avancer et faire face aux difficultés. Abraham m'a rempli d'espérance et Job de sa foi. J’ai reçu la grâce de m’abandonner à Jésus et de faire confiance en la Vierge et son intercession. 

Ensuite, il y a cette famille merveilleuse : mes parents, mon frère et mes sœurs, qui ont été toujours présents ; de nombreux amis qui, à travers le monde, sont pour moi une raison de vivre, car la magie de leur prière est une enveloppe qui me protège chaque jour. Enfin, rien de tout ceci ne pouvait porter des fruits si je refusais de lutter. Alors j’ai accepté de lutter sans découragement. Accepter que vivre est déjà une grande victoire et que demain est autre jour. 

Tout d'abord je sais que vivre est déjà un signe de l’immense amour et de la grande miséricorde de Dieu. Plus loin encore, au vu du message et de tous les enseignements que durant ma dizaine d'année comme animateur des jeunes au Diocèse de Bafoussam j'ai acquis, l'heure est venue pour moi de vivre en acte tout ce que j'ai pu dire en parole. Enfin en me présentant en pécheur devant Dieu, je me souviens de cet appel du Pape Jean Paul II lors de mon séjour aux Journées Mondiales de la Jeunesse, à Rome, en 2000 : « N'ayez pas peur d'être les saints du nouveau millénaire ». Aussi je veux, comme Pierre au bord du lac de Tibériade, nager vers le Seigneur pour lui dire que je l'aime et que je sais qu'il m'aime.

Je trouve en la Vierge Marie la force de méditer dans le silence de mon cœur les événements de la vie, en accueillant chaque jour comme un don de Dieu, en vivant de la providence divine, convaincu que la grande miséricorde de Dieu veille et veillera toujours. Je reste tout aussi convaincu que Dieu ne juge point sur les pieds que je n'ai pas mais sur la main, le cœur, la bouche et son divin esprit qu'il a mis en moi. Ainsi, mon état de paraplégie devient une école où le Christ en personne est mon instructeur. Ses pensées n'étant pas mes pensées, son temps n'étant pas mon temps. La confiance étant la relation d'amour qui m'unit à Lui. Ne me posant aucune question, tout ce que je peux dire c'est : « Jésus j'ai confiance en toi ».

 

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Auteur des Ouvrages aux Editions du Net 

www.leseditionsdunet.com 

 - Ma force de vivre 

 - Ce que j’ai vu m’interroge : la souffrance a-t-elle un sens ?